Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Promenade économique
7 mai 2014

Décès de l'économiste américain Gary Becker

Gary Becker 1992 Le Monde 7 mai 2014

Gary Becker, le Monde, 7 mai 2014.

L'économiste Jean-Marc Daniel rappelle qui était Gary Becker.

Né le 2 décembre 1930 à Pottsville, en Pennsylvanie, l'économiste Gary Becker est mort le 3 mai. Il était un pur produit de l'école de Chicago.

S'il est d'abord diplômé de Princeton, c'est, en effet, à l'université de Chicago qu'il obtient son doctorat en 1955. Après avoir enseigné à l'université de Columbia à New York de 1957 à 1968, il regagne ensuite Chicago pour y faire sa carrière.

Il obtient la médaille J. B. Clark en 1967, puis en 1992 le prix Nobel d'économie pour " avoir étendu l'analyse microéconomique à un grand nombre de comportements humains et à leur interaction, y compris à des comportements non marchands ".

La thèse centrale de Gary Becker est que l'économie fournit une méthode qui permet d'analyser et de modéliser des sujets qui vont au-delà de ceux qui lui sont traditionnellement associés comme l'inflation, le chômage ou la croissance.

Ses travaux partent de ce que les économistes appellent le principe d'hédonisme. Il s'agit de constater que la nature humaine est ainsi faite que chacun cherche à accroître sa richesse et son bien-être tout en essayant de fournir le moins d'effort possible ou d'y consacrer la part la plus faible possible de son revenu.

Pour Becker, ce principe, énoncé déjà par l'économiste Nassau William Senior au milieu du XIXe siècle, doit être considéré comme l'élément quasi exclusif de compréhension du comportement humain.

Becker complète le principe d'hédonisme de deux hypothèses fondamentales. La première est qu'au niveau de chaque individu, les préférences sont transitives, c'est-à-dire que si quelqu'un préfère A à B et B à C, il préfère A à C. Cette transitivité des choix individuels ne se généralise pas au niveau collectif et un groupe peut préférer A à B, B à C et C à A (c'est ce que l'on appelle le " paradoxe de Condorcet "). La seconde est de retenir le principe de la stabilité des choix individuels dès lors qu'aucune information nouvelle n'est disponible.

Pour tirer toutes les conséquences du cadre intellectuel ainsi posé, Becker avance en outre l'idée que, si l'économiste a tendance à ne mesurer l'intérêt que sur des bases monétaires, d'autres façons existent de le mesurer. Les actes de chacun parlent d'eux-mêmes et servent en fait de révélateurs à des intérêts implicites.

Fort de toutes ces hypothèses, Becker a étudié quatre domaines principaux : la discrimination, la criminalité, la famille et le capital humain. Il y dégage, à côté des causes évidentes des comportements, des mobiles cachés.

Par exemple, il soutient que l'on doit analyser la criminalité en supposant que les criminels sont rationnels. Chaque criminel ne se contente pas, avant d'agir, d'évaluer le gain. Il fait un calcul coût-avantage dans lequel interviennent la probabilité de se faire prendre et les conséquences d'une arrestation.

S'il est sûr d'être arrêté mais de sortir de prison au bout d'un temps assez court, il sera plus incité à commettre son forfait que si sa probabilité d'arrestation est faible mais la sanction très lourde.

De même, pour Becker, le mariage obéit à un calcul reposant sur une comparaison entre ses avantages – la satisfaction sentimentale et la possibilité dans certains cas d'accroître son aisance matérielle- avec ses inconvénients –, les désagréments liés à divers aspects de la vie commune et le coût d'un éventuel divorce.

Vision individualisée

Avec un autre Prix Nobel, Theodore Schultz (1902-1998), il introduit la notion de capital humain. L'idée est d'améliorer les modèles usuels de croissance qui fondent celle-ci sur l'accumulation de machines de plus en plus productives.

Pour Becker, c'est faire l'impasse sur le travail et sur sa nature profonde. Celui-ci n'est pas homogène. Il bataille en particulier contre les économistes keynésiens qui ont théorisé le manque d'homogénéité du capital mais pas celui du travail. Pour Becker, vouloir réduire le chômage par une action globale sur la demande au travers d'une politique budgétaire expansionniste est vain. Le résultat final ne peut être qu'un surcroît d'inflation.

Il milite donc pour une vision individualisée du marché du travail dans laquelle chacun se met en situation d'évaluer un coût (l'effort de formation à fournir) et une satisfaction (le type de métier que l'on peut exercer). Mener une politique de réduction du chômage, c'est faire en sorte, en formant le capital humain, d'en obtenir le meilleur usage possible.

Jean-Marc Daniel, économiste, professeur associé à l'ESCP Europe, Le Monde, 7 mai 2014.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Promenade économique
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 5 378
Publicité